Les leçons de ce Belgique-Algérie (2-1)

L’analyse de la première rencontre des Diables rouges de ce Mondial, par notre envoyé spécial Frédéric Larsimont.

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Il faut voir les choses en face vue de l’extérieur, et oser se regarder dans les yeux du côté du vestiaire belge : pour son retour en Coupe du monde après 12 ans d’absence, la Belgique n’est pas passée loin de se prendre les pieds pris dans le tapis. Et magistralement bien puisque les Diables n’ont longtemps proposé qu’un ersatz de ce football chatoyant et conquérant qu’ils avaient pour habitude d’offrir à leur public depuis tout un temps. Sans allant et surtout sans imagination, cette équipe pâlichonne et se cherchant tactiquement pendant une bonne heure a longtemps butté contre le quadrillage impeccable des Algériens qui ont opposé à l’addition des talents belges une solidarité de tous les instants. En marquant les premiers sur penalty, les joueurs de Vahid Halihodzic ont un moment espéré pouvoir s’inviter au rang des surprises de cette première salve de matchs dans la phase de poules. Mais pour avoir très mal géré l’impact des remplaçants belges et des modifications tactiques de la seconde période, ils ont fini par craquer en l’espace de dix minutes.
Dix minutes qui leur coûtent cher mais qui par conséquent rapportent gros à la Belgique qui grâce aux buts de Fellani (70e) et de Mertens (80e) prend ainsi  la tête d’un groupe H après le match nul entre la Russie et  la Corée du Sud (1-1) dans la nuit de mardi à mercredi à Cuiaba.
Wilmots est passé par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel
Dans l’avion qui a ramené la délégation belge à São Paulo trois heures après le coup de sifflet final, Marc Wilmots a sans doute dû soupirer pour toute son équipe et s’offrir un petit remontant bien mérité. Lui qui avait mis tant de soin à préparer cette entrée en matière contre l’Algérie, est passé par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel formé par des tribunes colorées à souhait, tant par les supporters des deux équipes que par les spectateurs brésiliens, a bien failli voir le travail de 4 semaines voler en éclats par la faute d’un penalty concédé par Vertonghen. Pour une faute que l’on peut qualifier de stupide en remontant le fil d’une action où le métier du joueur de Tottenham aurait dû empêcher Feghouli de venir s’inviter à la manœuvre de dépassement en venant dans son dos. Blousé comme un débutant, l’arrière gauche des Diables a contribué à plonger un peu plus ses équipiers dans un sacré pétrin.
La patience est en effet une vertu que les Diables n’ont pas vraiment appris à cultiver ces dernières années, puisqu’à l’exception de la rencontre d’octobre 2012 contre la Croatie à Bruxelles, (1-1), ils n’ont jamais été contraints de courir derrière le score au cours de la phase qualificative pour le Mondial. Le penalty encaissé à la 25e minute contre l’Algérie a donc sérieusement bousculé les habitudes d’une équipe qui avait pris le pli de s’installer dans ses matchs et de doser la pression en fonction de ses besoins.
Inhibée par le décorum, le stress ou les années d’attente, l’équipe belge est entrée dans son tournoi en donnant rarement l’impression de pouvoir jaillir de ses starting-blocks durant les deux premiers tiers de la rencontre. Le double-rideau défensif implanté par le coach algérien sur sa moitié de terrain n’a évidemment pas aidé à délier les foulées et à ajuster les premières combinaisons nécessaires à la mise en confiance. Mais la mise en route fut laborieuse, il faut en convenir.
Les entrées au jeu bouleversent la donne
Vu des tribunes, les carences de Chadli et de Dembélé sautaient aux yeux. L’incapacité pour Lukaku de conserver le ballon en point d’appui, également. Tout comme l’obligation de désincarcérer De Bruyne d’un enfermement sur un flanc où sa productivité frisait le zéro absolu.
Vu du banc, l’impression était visiblement la même puisque le sélectionneur belge rectifia le tir en début de seconde période via trois changements et un recadrage tactique ramenant De Bruyne dans une position axiale. Les entrées au jeu de Mertens puis de Fellaini et enfin d‘Origi furent donc déterminantes.
On connaissait évidemment depuis belle lurette les capacités du lutin napolitain à jaillir du banc. Son but victorieux d’un tir en pleine foulée, a confirmé aux distraits qu’il n’est pas du genre à trembler devant un gardien adverse. Quant à Fellaini, il faut une fois pour toutes conclure que c’est en son absence que l’on mesure la force de sa présence. Dans le rectangle notamment. Et pour ce qui est d’Origi, une nouvelle fois très efficace dans la profondeur et extrêmement mature dans ses choix de course pour un jeune homme de 19 ans, il pourrait faire vaciller Lukaku de son piédestal plus vite qu’on ne le pense.
Pour conclure sur ce Belgique-Algérie, une question soumise à la sagacité de Marc Wilmots et de son staff étant la suivante : bons changements ou mauvais choix de départ ?

Le Soir

Mauvais choix de départ, et bons changements!

Marc Wilmots doit-il titulariser Marouane Fellaini et Dries Mertens face à la Russie, dimanche, à 18h? Si l’on se base sur les émotions et la joie que ces deux gaillards nous ont procurées ce mardi soir, il faut dire "oui". Pourtant, et nous voyons déjà la pierre nous revenir en pleine poire, nous avons envie de dire que Marc Wilmots ne doit pas se laisser influencer par la ferveur populaire qui réclame déjà, à corps et à cris, des postes de titulaires pour nos deux héros de Belo Horizonte...
Pourquoi? Tout d’abord parce que la tactique belge, même si elle nous a fait passer à deux doigts de l’infarctus et nous a fait hurler les pires insultes jamais créées dans ce monde, était finalement... parfaite. Nacer Chadli et Moussa Dembélé, s’ils ont paru amorphes ou maladroits avant de céder leur place, ont travaillé les Algériens au corps durant de longues minutes. Ce travail, tout comme celui de Lukaku, a, mine de rien, aidé à lézarder un mur défensif algérien que Dries Mertens, Divock Origi et Marouane Fellaini ont par la suite réduit en miettes.
Mais Fellaini n’a jamais été aussi bon que lorsqu’il évolue juste derrière ou juste à côté de l’attaquant de pointe, comme c’était le cas à Everton, où son impact physique et son jeu de tête faisaient merveille. Et comme ce fut le cas ce mardi, quand Marc Wilmots l’a lancé dans la bagarre. Mais rarement en tant que médian infiltreur, rôle dans lequel sa technique dans les petits espaces est parfois lacunaire. Il n’est d’ailleurs pas certain, loin de là même, que Marouane aurait fait mieux que Moussa ou Nacer s’il avait été lancé dans le bain dès le coup d’envoi.
Face à la Russie, les Diables ne seront pas confrontés au même contexte défensif. Les Russes, contraints au nul par la Corée et obligés de l’emporter dimanche, n’attendront pas devant leur but, ce qui va forcément offrir des espaces aux avants belges. Dans ce contexte, Marouane Fellaini ne s’impose pas comme une obligation. Sauf si Willie veut le récompenser, genre d’hommages pour "services rendus"...
Pour Mertens, l’analyse est sensiblement identique. Son punch, sa vitesse et sa technique ont foutu le bor... dans une défense algérienne qui commençait à cracher ses poumons. Or, il n’est pas certain que l’effet aurait été identique si le petit Napolitain avait pris place dans le onze de base.
Bref, ne cédons pas à l’enthousiasme, n’empruntons pas des raccourcis faciles consistant à éviter Chadli, Dembélé et Lukaku. Wilmots parle d’un groupe depuis le début, pas d’une équipe. Et chaque arme doit être utilisée à bon escient. Wilmots les fourbit depuis des mois. Il sait ce qu’il fait. Mardi, il ne s’est pas trompé, il a fait ce qu’il fallait, même si, et on le concède volontiers, on n’a pas vu la stratégie directement... Et on espère vivre les mêmes moments dimanche soir.
Tant qu’on gagne, peu importe qui joue...
(sudpresse)

on a gagné